Précédent Suivant
Les infections sévères liées au SARS-CoV-2 sont classiquement associées à un emballement immunitaire dit «orage cytokinique». La réponse inflammatoire mesurée à la fois au niveau cellulaire et moléculaire pourrait représenter une signature pronostique majeure de la maladie. Cet orage cytokinique est associé à un afflux massif de cellules immunitaires innées, les neutrophiles et les monocytes, pouvant aggraver les lésions pulmonaires préexistantes liées à la COVID-19. L'accumulation de ces effecteurs innés, en particulier des neutrophiles, dans le lavage broncho-alvéolaire des patients atteints est en effet en corrélation étroite avec la présence de cytokines pro-inflammatoires. Or, des marqueurs prédictifs forts pour les complications de type syndrome de détresse respiratoire aigüe sévère (SDRA) ou autres défaillances justifiant une prise en charge réanimatoire manquent encore, et les connaissances d'un acteur immunitaire inné spécifique, à savoir les neutrophiles et les mécanismes moléculaires impliqués immunologiques au cours de la COVID-19 sévère restent incomplètes.

De plus en plus de données cliniques indiquent que le rapport neutrophiles/lymphocytes (RNL) est un puissant indicateur prédictif et pronostique de la sévérité de la COVID-19. La lymphopénie, la neutrophilie et un RNL élevé sont associés à une infection virale plus grave. Lors d’une infection sévère quelle qu’en soit l’étiologie, la moelle osseuse libère des neutrophiles matures et immatures. Suite au contact du pathogène, ces acteurs de la réponse immunitaire se spécialisent en présentant à leur surface des récepteurs spécifiques. Il a été démontré récemment que ces neutrophiles immatures étaient associés à la gravité de la COVID-19 et à la formation de microthrombi. L’objectif est désormais de parvenir à identifier ces neutrophiles spécifiques responsables des altérations cellulaires provoquées en cas de sepsis, de sorte à identifier précocement les patients à risque de complications. C’est exactement ce à quoi des chercheurs de l’INSERM se sont intéressés (unité 1135 Inserm/CNRS/Sorbonne Université, Centre d’immunologie et des maladies infectieuses, Paris).
 

Des travaux antérieurs avaient déjà mis en évidence plusieurs données marquantes :
-          Des marqueurs de surface de polynucléaires neutrophiles prélevés chez des patients admis en réanimation pour sepsis ont été mis en évidence par cytométrie de masse. Deux nouveaux sous-ensembles de neutrophiles immatures, exprimant soit les marqueurs PD-L1 soit CD123, avaient été identifiés, comme étant spécifiques du sepsis d’origine infectieuse et non d’une inflammation systémique d’origine non infectieuse. Cette approche avait été secondairement validée en utilisant la cytométrie de flux, plus accessible en routine.
-          Ces données avaient également été validées chez des patients atteints de forme critique de COVID-19 : ces marqueurs ont alors permis de distinguer les patients admis en réanimation de ceux présentant une forme moins sévère de la maladie.
-          En plus de ces marqueurs, les scientifiques avaient montré qu’un troisième marqueur, LOX-1, était un médiateur important de l'inflammation et du dysfonctionnement des neutrophiles dans le sepsis et les cancers.  

Cette nouvelle étude a donc pour objectif de caractériser les sous-ensembles et les fonctions des neutrophiles circulants et présents dans le lavage broncho-alvéolaire des patients atteints de COVID-19 sur la base des caractéristiques cliniques de ces patients. Les chercheurs ont utilisé un profil de cytométrie multiparamétrique basé sur des marqueurs neutrophiles matures et immatures chez 146 patients atteints de COVID-19 sévère ou critique.
 

Les résultats sont les suivants :
-          Les patients admis en unité de soins intensifs présentent une forte myélémie avec des neutrophiles immatures CD10-CD64+.La proportion accrue de neutrophiles immatures circulants exprimant les marqueurs CD123 ou LOX-1 est associée à la sévérité de la COVID-19, à l’orage cytokinique, au SDRA et aux complications thromboemboliques.
-          Les lavages broncho-alvéolaires des patients présentant un SDRA sont fortement enrichis en sous-types de neutrophiles immatures exprimant le marqueur LOX-1.
-          L’expression des marqueurs CD123, LOX-1, ou PD-L1 par les sous-ensembles de neutrophiles immatures est corrélée à la sévérité clinique, mais seule l’expression du marqueur de surface LOX-1 est significativement associée à un haut risque thrombotique.  

En conclusion, ces travaux mettent en évidence de nouveaux biomarqueurs potentiels mesurables précocement, aisément et ayant une implication en pratique clinique, parmi les neutrophiles circulants immatures, prédictifs de la sévérité de la COVID-19 : les marqueurs de surface CD123, LOX-1 et PD-L1. Ces marqueurs sont significativement corrélés avec la gravité de la maladie, et plus encore avec les événements thromboemboliques dans le cas de LOX-1.

Source(s) :
Source : Combadière B, et al. LOX-1-Expressing Immature Neutrophils Identify Critically-Ill COVID-19 Patients at Risk of Thrombotic Complications. Front Immunol. 2021 Sep 20;12:752612. ; Maladies infectieuses : vers l’identification rapide des patients à risque de complications sévères. Inserm, publié le 22/11/2021 ;

Dernières revues


COVID-19 et paramètres de coagulation : un lien avec la mortalité ?

La pandémie de COVID-19, causée par le SARS-CoV-2, a entraîné des millions...

Entraînement de résistance et sclérose en plaques : une solution pour améliorer fonction et qualité de vie ?

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune chronique du syst...

Endométriose : impact des hormones, des comportements sexuels et des traitements chirurgicaux

L'endométriose est une maladie inflammatoire chronique modulée par les niv...