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Vivre avec une personne atteinte de troubles bipolaires a-t-il des conséquences sur la santé physique et mentale des proches aidants ? Jusque-là, peu d’études ont été menées sur le sujet. Avoir un proche atteint de troubles bipolaires peut être à l’origine de stress, d’anxiété voire de symptômes dépressifs. Les aidants sont définis comme des personnes non professionnelles, qui fournissent des soins, un soutien et une assistance personnelle à un proche malade. Il peut s’agir d’un conjoint, d’un parent, d’un ami, d’un frère ou d’une sœur, d’une famille d’accueil ou d’un parent. Une précédente étude qualitative menée au Mexique a mis en évidence que le fardeau des aidants regroupait les problèmes financiers, les relations, l’anxiété, les symptômes dépressifs et la peur de développer des troubles bipolaires.

Récemment, des chercheurs australiens ont mené une étude qualitative pour mieux comprendre les expériences des personnes vivant avec une personne atteinte de troubles bipolaires et évaluer les besoins spécifiques de ces proches aidants. Au total, quinze entretiens qualitatifs semi-structurés ont été menés par téléphone avec des membres de la famille ou des amis pour évoquer leur expérience dans le soutien de proches atteints de troubles bipolaires. Les entretiens ont duré entre 21 et 49 minutes et comportaient 17 grandes questions ouvertes.

L’analyse thématique des entretiens a permis de définir cinq thèmes principaux, qui sont les suivants :
  • La séparation de la personne et du trouble bipolaire : bien distinguer la maladie mentale du patient permettait à 13 proches de préserver la qualité de la relation avec leur proche et donc leur propre bien-être. Progressivement, les proches aidants parviennent à faire la différence lorsque le patient a des comportements ou des mots hors de propos, directement liés à la maladie. Il est donc essentiel que les proches aidants soient parfaitement informés des mécanismes biologiques et pathologiques de la maladie pour être capable de faire cette différence.
  • La santé des aidants et leurs stratégies d’adaptation : les quinze personnes interrogées ont toutes confirmé que la maladie de leur proche avait des conséquences sur leur santé et leur qualité de vie, avec davantage d’anxiété, de dépression, de stress et de fatigue. Certaines ont témoigné d’une exacerbation de leurs propres problèmes mentaux, tandis que d’autres ont noté l’apparition de nouveaux problèmes psychologiques. La santé physique est également impactée, notamment l’alimentation, l’activité physique et l’usage de substances addictives (alcool, tabac, …). A ce niveau, les proches aidants témoignent d’un besoin de soutien psychologique ou pharmacologique, mais aussi l’intérêt de certaines approches non pharmacologiques (yoga, méditation, loisirs créatifs, sport, …). Les proches aidants ont également besoin de comprendre leurs nouvelles limites, de les accepter et d’adapter leur rythme de vie pour se préserver.
  • L’imprévisibilité et la variabilité des symptômes : les proches aidants interrogés ont tous mis en avant le large éventail de symptômes et de comportements difficiles à gérer, en particulier les idées suicidaires, la colère, les indiscrétions sexuelles, les dépenses excessives ou les fugues. Ils ont décrit des hauts et des bas à vivre avec la maladie, source de stress et de préoccupations importantes. Au fil du temps, les proches aidants ont réussi à s’adapter et parviennent à gérer cette imprévisibilité. Plusieurs ont témoigné du fait que cette expérience leur a permis de développer certaines qualités, comme l’empathie, la compassion ou la patience.
  • La désillusion et le silence des aidants : Les proches aidants ont décrit un sentiment d’isolement et de désillusion, avec un manque de soutien de leurs amis, de leur famille, de leur environnement professionnel et plus largement de la société. Ils ressentent le besoin d’être inclus dans les processus de décision, d’intervention et de prise en charge de leur proche malade, pour être mieux reconnu et mieux s’occuper de lui. Leur situation d’aidant n’est presque jamais prise en compte, alors même qu’ils sont présents à tout moment pour leur proche malade. Ils se décrivent stigmatisés ou invisibles, coupables ou inexistants, dans une société qui les isole.
  • Le partage d’expériences et les besoins de soutien : Les proches aidants interrogés demandent un meilleur soutien et des changements de politique de santé, avec des mesures spécifiques en faveur des aidants. Ils décrivent l’intérêt du partage d’expériences entre proches aidants, par exemple dans le cadre de groupes de soutien associatifs. Mais ils demandent également plus d’informations sur les médicaments, les troubles bipolaires, des conseils pratiques, etc.

Au regard de cette étude qualitative, les chercheurs ont mis en évidence que les proches aidants ont besoin de soutiens spécifiques pour les aider dans leurs expériences de vie avec un proche atteint de troubles bipolaires. Une meilleure prise en compte du rôle des proches aidants et un soutien psychologique spécifique sont nécessaires pour limiter l’impact de la maladie sur leur santé physique et mentale. En préservant leur santé et leur bien-être, les proches aidants sont plus à même de prendre soin de leur proche atteint de troubles bipolaires, ce qui améliore in fine leur état de santé et leur qualité de vie.

Source(s) :
Bronte Speirs and al. : The lived experience of caring for someone with bipolar disorder: A qualitative study. PLoS One 18(1):e0280059. 2023 Jan 19. ;

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