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Les maladies mitochondriales sont devenues une étiologie relativement fréquente de maladies héréditaires du métabolisme, avec une incidence de 1/5 000 dans la population générale. Elles sont liées à des mutations génétiques affectant principalement la phosphorylation oxydative et la synthèse d'ATP. Cette dysfonction mitochondriale impacte donc les tissus à forte demande énergétique, avec des atteintes préférentielles neurologiques centrales et périphériques, ophtalmologiques, cardiaques, et musculaires. Le diagnostic clinique est difficile en raison de l’hétérogénéité clinique de la maladie : l’âge de survenue de la symptomatologie est variable, elle peut affecter un seul organe, telle l’atteinte ophtalmique dans la neuropathie optique héréditaire de Leber, ou au contraire être multi systémique. Aussi, bien que certains patients présentent un syndrome mitochondrial « classique », tel qu'une encéphalomyopathie mitochondriale avec acidose lactique et pseudo-épisodes vasculaires, nombreux sont les patients paucisymptomatiques ou présentant un trouble multisystémique mal défini. Les dysfonctions mitochondriales sont par ailleurs hautement hétérogènes sur le plan génétique, pouvant être causées par des variants pathogènes de l'ADN mitochondrial ou du génome nucléaire, pouvant suivre n'importe quel modèle héréditaire (autosomique dominant, autosomique récessif, lié à l'X, de novo ou à transmission maternelle).
 
Il existe donc un défi majeur diagnostique, visant non seulement à réduire le parcours de soins des patients souffrant de ce qu’on appelle communément une « odyssée diagnostique », avec retard à la prise en charge; mais aussi à améliorer le diagnostic génétique, de sorte à proposer des informations personnalisées sur le pronostic et le traitement, ainsi qu’un conseil génétique. Le diagnostic repose traditionnellement sur une biopsie tissulaire invasive pour analyses biochimiques et histochimiques, manquant néanmoins de sensibilité. Le séquençage d'une liste prédéfinie de gènes connus pour provoquer un trouble spécifique (panels multigéniques) et le séquençage des régions codant pour les protéines (exons) de tous les gènes (séquençage de l'exome) ont montré leur efficacité diagnostique. Cependant, le diagnostic génétique n'est pas réalisable dans environ 40 % des cas, y compris dans des cohortes sélectionnées, d'où la nécessité de nouvelles approches. Le séquençage du génome entier est une technologie de séquençage de nouvelle génération utilisée pour séquencer le génome entier d'un individu. Il a l'avantage supplémentaire de pouvoir diagnostiquer des mutations pathogènes affectant l'ADN mitochondrial et le génome nucléaire.
 
L'objectif d’une récente étude de cohorte nationale menée par des scientifiques de l’Université de Cambridge et publiée dans le British Medical Journal (BMJ) était de déterminer si le séquençage du génome entier pouvait être utilisé pour définir la base moléculaire des dysfonctions mitochondriales suspectées. Trois cent quarante-cinq patients suspects de maladie mitochondriale ont été inclus entre 2015 et 2018, recrutés initialement pour le projet britannique 100 000 génomes (projet lancé par le gouvernement britannique visant à séquencer le génome de 100 000 patients suivis par le National Health Service). Les patients inclus avaient bénéficié au préalable de la réalisation de tests génétiques standards pour exclusion des causes génétiques dites communes.

  Un séquençage du génome entier à lecture courte a été réalisé. Les variants génomiques nucléaires ont été classés sur la base de panels de gènes choisis en fonction des phénotypes, des variantes pathogènes/probablement pathogènes de la base de données ClinVar et des dix variants prioritaires du logiciel Exomiser. Les variants de l'ADN mitochondrial ont été déterminés et comparés à une liste de variants pathogènes. Les directives de l'American College of Medical Genetics ont été suivies pour la classification des variants génomiques.  

Le critère principal de jugement était le diagnostic génétique certain ou probable, identifié dans 98/319 (31 %) familles, avec 6 autres diagnostics possibles (2 %). Quatorze des diagnostics (4 % des 319 familles) n'expliquaient qu'une partie des données cliniques. Au total, 95 gènes différents ont été impliqués. Sur 104 familles ayant reçu un diagnostic, 39 (38 %) avaient un diagnostic d’origine mitochondriale et 65 (63 %) avaient un diagnostic non mitochondrial.
 

Les scientifiques estiment donc que le séquençage du génome entier est un outil diagnostique utile chez les patients suspects de maladie mitochondriale, à partir d’une simple prise de sang, pouvant améliorer jusqu’à 31% le diagnostic des maladies rares après exclusion des causes communes, suite aux tests standards. Les diagnostics établis étaient majoritairement des maladies d’origine non mitochondriale et comprenaient des troubles du développement avec déficience intellectuelle, des encéphalopathies épileptiques,
des leucodystrophies, d'autres maladies métaboliques, et des cardiomyopathies. Ces diagnostics auraient pu être manqués si une approche ciblée avait été adoptée, or certains d’entre eux peuvent bénéficier de thérapeutiques spécifiques.

Source(s) :
Schon KR et al.: Use of whole genome sequencing to determine genetic basis of suspected mitochondrial disorders: cohort study. BMJ. 2021 Nov 3;375:e066288. ;

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