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Il a été très précocement mis en évidence l’imputabilité de la Covid-19 dans la survenue d'événements thrombotiques essentiellement veineux, mais aussi artériels et microvasculaires, et ce malgré l'utilisation d'une anticoagulation prophylactique. D’après de nombreuses études, les mécanismes physiopathologiques incluraient l'inflammation active et la libération de cytokines, la dysfonction endothéliale, l'hypercoagulabilité par immobilisation, les lésions microvasculaires et les traitements de soins intensifs. Ces études portaient néanmoins sur des patients présentant une forme sévère de Covid-19, admis en unités de soins intensifs. D’autres études ont par ailleurs récemment rapporté la survenue de thromboses chez des patients non sévères, la majorité d’entre eux étant âgés ou présentaient des facteurs de risque thrombotiques bien démontrés.

Qu’en est-il chez de jeunes patients atteints de Covid-19 non grave et sans facteur de risque thrombotique ?

Une étude observationnelle prospective longitudinale menée sur une période de 18 mois (avril 2020-octobre 2021), a inclus des jeunes adultes âgés de 18 à 40 ans, positifs au SARS-CoV-2 dans une forme non sévère, suivis 6 mois, et présentant un évènement thrombotique inhabituel associé à l’infection virale. Sur 1564 patients, 54 jeunes patients non critiques ont présenté une thrombose inhabituelle liée à la Covid-19 au cours de la période d'étude. Parmi ces 54 patients, 29 patients sans comorbidité et sans facteur de risque thrombotique ont été inclus, appariés à 116 patients témoins indemnes de complication thrombotique. Les patients inclus étaient ou non symptomatiques, non oxygénodépendants, et non hospitalisés lors de la prise en charge initiale. Aucun n’avait reçu de thromboprophylaxie. Tous les patients avaient bénéficié d’une recherche de thrombophilie héréditaire (incluant déficit en protéine C, protéine S, Antithrombine III, mutation du facteur V Leiden, et de la prothrombine). La recherche de mutation JAK-2 a été réalisée pour écarter une néoplasie myéloproliférative. Tous ont fait l'objet d'un dépistage des facteurs de risque de thrombophilie acquise via le dosage d'anticorps anti-phospholipides et autres auto-anticorps, et la recherche d’un clone de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne en cytométrie en flux. Les paramètres inflammatoires ont été recueillis.

 
Les 29 patients étaient d’âge moyen 28,9 ans, de prédominance masculine (59%) et avec un BMI > 24·9 kg/m2.pour 10% d’entre eux. Une thrombophilie génétique était diagnostiquée chez 16 patients (55,2%), avec une haute prévalence de thromboses d’origine veineuse (76,9%) : thromboses des veines splanchniques, de la veine cave inférieure et supérieure, et thromboses cérébrales ; de thromboses multiples et récidivantes. A noter que les évènements thrombotiques artériels (53,8%) étaient prévalents chez les 13 patients restants, sans thrombophilie génétique. Sur les artères saines/non athéroscléreuses, ont également été mis en évidence des événements thrombotiques artériels graves inhabituels tels que des accidents vasculaires cérébraux, des syndromes coronariens constitués et une ischémie de membre. Quatre patients ont présenté une microangiopathie thrombotique.

La fréquence de chaque thrombophilie héréditaire (12 patients) et de cause génétique acquise de thrombophilie (quatre patients porteurs de la mutation JAK2) était plus élevée qu’attendue. Ces patients JAK2-positifs ont été classés comme porteurs d’une néoplasie myéloproliférative occulte car ils ne disposaient pas de critère diagnostique de syndrome myéloprolifératif au moment du diagnostic.

Une relation significative a été mise en évidence entre les taux d'événements thrombotiques et le dosage des D-dimères, des marqueurs inflammatoires, la concentration de VWF, l'activité élevée du FVIII au-dessus des seuils, le phénotype plaquettaire prothrombotique. De plus, malgré un traitement anticoagulant standard, une tendance à l’extension de la thrombose et retard de guérison était notée chez les patients sans thrombophilie génétique, avec par ailleurs des concentrations de D-dimères, de VWF et d'activité de FVIII pouvant rester chroniquement plus élevées dans cette cohorte.

L’hypothèse d’une libération excessive de VWF par les cellules endothéliales en cas de Covid-19, à l’origine elle-même d’une dysfonction endothéliale et de la formation locale de microthrombi a été soulevée dans de récentes études. Les résultats ici publiés soulignent l'importance de l'endothéliopathie en tant que cause potentielle d'évènements thrombotiques inhabituels chez les patients sans thrombophilie génétique, qui présentaient des niveaux élevés de VWF, de FVIII et de marqueurs inflammatoires circulants malgré l'absence de critère de gravité de l’infection à SARS-CoV-2. La thrombophilie acquise et héréditaire avec dysfonction endothéliale semblerait donc être un mécanisme pertinent pour expliquer la survenue d’évènements thrombotiques non corrélés à la sévérité de la Covid-19. Ces données justifient des investigations complémentaires pouvant avoir un impact clinique et thérapeutique notable dans la prise en charge de ces patients.

Source(s) :
Elbadry MI, et al. Unusual pattern of thrombotic events in young adult non-critically ill patients with COVID-19 may result from an undiagnosed inherited and acquired form of thrombophilia. Br J Haemato l. 2022 Feb;196(4):902-922. ;

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