21/04/2022
Gynécologie et Obstétrique
Santé Publique et Médecine Sociale
Infectiologie
En
2018, la Haute Autorité de Santé (HAS) publiait en urgence une recommandation
concernant la vaccination contre la coqueluche chez la femme enceinte dans un
contexte épidémique à Mayotte, à partir de 18 SA et idéalement avant 39 SA. La
HAS a secondairement été saisie par la DGS afin d’évaluer la pertinence d’une
généralisation au territoire national de cette vaccination chez la femme
enceinte, quant à la protection du nouveau-né/nourrisson contre la coqueluche,
en termes de morbi-mortalité.
En
effet, le rationnel est simple : la coqueluche chez les nourrissons les
plus jeunes peut être particulièrement sévère, voire mortelle. En France, la
bactérie Bordetella pertussis circule toujours et les nourrissons non vaccinés,
trop jeunes pour être immunisés, sont à risque d'infection pendant leurs
premiers deux mois de vie, avant l’initiation du schéma de primovaccination
devenu obligatoire en janvier 2018. Plus de 90% des décès par coqueluche
surviennent au cours des 6 premiers mois de vie et notamment au cours des 3
premiers mois. Cette contamination peut être évitée par la vaccination de
l’entourage. Or, la stratégie dite du cocooning mise en place dès 2004 consistant
à vacciner l'entourage proche des nourrissons rend compte lors des dernières
enquêtes d’une couverture vaccinale inférieure à celle attendue. La
stratégie de vaccination chez la femme enceinte a été mise en place dans
plusieurs pays et les arguments en faveur de cette décision sont notables: bonnes
tolérance et efficacité, protection assurée par le transfert passif d’anticorps
maternels à partir de 16 SA. La vaccination de la femme enceinte contre la
coqueluche est recommandée par l'OMS (à partir du 2e trimestre de la
grossesse) et la Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique
(FIGO). Par ailleurs, les données économiques montrent que la stratégie
vaccinale chez la femme enceinte est considérée plus coût-efficace que la
stratégie du cocooning.
Les
résultats de l’évaluation menée par la HAS sont les suivants :
- Concernant l’immunogénicité, les données publiées sont
en faveur d’une réponse immunitaire satisfaisante chez la femme enceinte
conférant une immunogénicité au nourrisson par le transfert transplacentaire
d’anticorps anticoquelucheux pendant au moins deux mois après la naissance. L’effet
« blunting », à savoir l’influence des anticorps maternels sur la réponse
immunitaire vaccinale du nourrisson, est décrit pour les valences coquelucheuse
et diphtérique, mais pas pour la valence tétanique. L’HAS précise qu’« aucune
preuve d’un effet « blunting » cliniquement significatif n’a été établie à ce
jour pour la coqueluche ou la diphtérie .Les pays où la recommandation
vaccinale contre la coqueluche chez la femme enceinte est appliquée depuis
plusieurs années ont observé une diminution de la morbi-mortalité par
coqueluche du nourrisson, sans rapporter par ailleurs une reprise d’épidémie de
la diphtérie chez les enfants nés de mères vaccinés pendant la grossesse par un
vaccin combinant les valences coquelucheuse et diphtérique. »
- Concernant l’efficacité,
les données en vie réelle de la vaccination des femmes enceintes ont montré une
diminution du taux d’incidence, des hospitalisations et de la mortalité due à
la coqueluche chez les nouveau-nés / nourrissons jusque deux mois.
- Concernant les données de
sécurité et de tolérance, celles-ci sont rassurantes, de même que les
données de sécurité en faveur d’une possible administration concomitante des
vaccins contre la coqueluche et contre la grippe en cours de grossesse.
- Concernant la période de
vaccination, les données disponibles ayant évalué les données
d’immunogénicité et d’efficacité ne permettent pas de recommander précisément
une période optimale pour cette vaccination pendant la grossesse. Les données
issues des études de tolérance sont majoritairement réalisées au cours du
troisième trimestre de grossesse et sont rassurantes. La revaccination lors de
chaque grossesse, après une première vaccination contre la coqueluche, fournirait
une protection à l'enfant, sans augmentation des risques maternels.
- Concernant l'acceptabilité
de la vaccination contre la coqueluche pendant la grossesse par les femmes
enceintes et les professionnels de santé, les enquêtes réalisées sont
encourageantes.
A
partir de ces données, la HAS recommande la vaccination contre la coqueluche
chez la femme enceinte à partir du deuxième trimestre de grossesse, en
privilégiant la période entre 20 et 36 SA. La vaccination pendant la
grossesse peut se faire avec un vaccin non vivant trivalent (dTca) ou
tétravalent (dTcaP) selon disponibilité. A noter que parmi les vaccins
anticoquelucheux disponibles en France, seuls deux vaccins (il s’agit de vaccins combinés tétravalents acellulaires) ont une AMM pour
administration chez la femme enceinte : Repevax® (Sanofi Pasteur) et
Boostrixtetra® (GlaxoSmithKline Vaccines). La HAS recommande que la vaccination
contre la coqueluche soit effectuée pour chaque grossesse :
« une femme ayant reçu un vaccin contre la coqueluche avant sa grossesse
doit également être vaccinée pendant la grossesse en cours afin de s'assurer
que suffisamment d'anticorps soient transférés par passage transplacentaire
pour protéger le nouveau-né à venir. » Un délai minimal d’un mois doit
être respecté suite au dernier vaccin dTP. La vaccination, si non réalisée
pendant la grossesse, est recommandée pour la mère en post partum immédiat,
avant la sortie de la maternité (stratégie du cocooning), et pour
l'entourage du nouveau-né au plus tard à la naissance de l’enfant (sauf si la
mère a bénéficié de la vaccination pendant sa grossesse, un mois au moins
précédent l’accouchement). La HAS précise toutefois que la stratégie vaccinale
pendant la grossesse doit être privilégiée, celle-ci ayant démontré une
meilleure efficacité en vie réelle. La HAS précise par ailleurs que la
vaccination contre la coqueluche de la femme enceinte peut être effectuée en
même temps que la vaccination contre la grippe saisonnière et/ou la Covid-19
(toutefois, alors que la vaccination contre la coqueluche doit être réalisée préférentiellement
au cours du deuxième ou troisième trimestre de la grossesse, les vaccinations
contre la Covid-19 et la grippe doivent être réalisées dès que possible au
cours de la grossesse). La HAS souligne que ces recommandations ne modifient
pas le calendrier vaccinal des nourrissons en vigueur. Les compétences
vaccinales élargies des professionnels de santé permettront d’augmenter
l’accessibilité à la vaccination des femmes enceintes. Une large campagne
d’information est nécessaire pour sensibiliser largement à l’enjeu de la
vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche.
Source(s) :
HAS Recommandation vaccinale contre la coqueluche chez la femme enceinte ;